Ce n’est qu’un au revoir Mister Greenzzly
L’aventure de la marque Chablaisienne de boxer pour hommes touche à sa fin.
Voici le récit d’un parcours entrepreneurial qui recèle de nombreux apprentissages.
Les débuts du Greenzzly
Sabine, riche de son expérience et d’un carnet d’adresses bien rempli, avait donc eu cette idée de proposer des boxers doux, beaux et écolos pour les hommes.
Une idée qui ne tombe pas du ciel, mais plutôt d’une fine observation du marché des sous-vêtements, qui propose une multitude de produits pour ces dames, mais très peu pour ces messieurs. D’autant plus que beaucoup d’hommes ne se sentent pas à l’aise dans leurs caleçons.
L’opportunité était donc prouvée et rapidement confirmée, par l’étude de marché.
Sans perdre de temps, Sabine est allée en Chine pour dénicher un composant encore très peu utilisé dans les sous-vêtements : la viscose de bambou.
Une matière biodégradable, bactériostatique, anti-odeur et hydrophile… Une vraie trouvaille, qui permettait à Mr Greenzzly de clairement se différencier du reste de la concurrence.
Cette innovation a d’ailleurs été récompensée par le prix initiative Chablais et une campagne de crowdfunding réussie, qui avait été lancée sur la plateforme KissKiss BankBank.
Les premières ventes
Après de longs mois de conception et de réflexion pour aboutir à la perfection, la marque inaugure officiellement son site de vente en ligne en décembre 2018, pour répondre à l’attente de clients impatients.
Pour donner un écho supplémentaire à cette étape cruciale du développement de la société, Mr Greenzzly, sur les conseils de son agence de communication, décide de lancer une campagne Facebook Ads (pub Facebook et Instagram), ainsi qu’une campagne Google Ads (référencement payant).
Ces investissements en communication n’ont pas eu les mêmes retombées : tandis que Facebook a généré un retour sur investissement positif, Google s’est avéré être une dépense très importante et non-rentable pour l’entreprise, qui se positionnait sur des mots-clés déjà convoités par les plus gros acteurs du marché des sous-vêtements.
Première leçon : une jeune entreprise ne tient pas longtemps, lorsqu’elle lutte contre de grandes sociétés qui ont des budgets de communication très conséquents.
Il est donc indispensable de réfléchir dès le début à une stratégie de communication qui permette à l’entreprise d’atteindre ses objectifs, sans rentrer dans une compétition de budgets publicitaires qu’elle ne pourra de toute façon pas remporter.
A la recherche de la croissance
Le lancement du site de vente en ligne, les campagnes publicitaires sur le web ainsi que la présence de la marque sur plusieurs événements et salons ont néanmoins permis aux ventes de rapidement décoller.
Les clients sont ravis des produits reçus, ce qui génère un bouche à oreille très positif autour de Mr Greenzzly.
Pour entretenir cette croissance des ventes, la fondatrice de la marque essaie plusieurs autres stratégies pour accroître la notoriété de Mr.Greenzzly et s’offrir d’autres canaux de distribution.
- Vente sur Amazon : très cher et donc très peu rentable
- Campagne de presse : très utile pour gagner en notoriété et construire de la confiance autour de la marque
- Partenariats avec des influenceurs : gain de visibilité certain, mais un retour sur investissement très difficile à chiffrer.
- Affiliation : stratégie de long terme, qui nécessite beaucoup de temps avant de produire un quelconque résultat
- Vente sur les salons de créateurs : un canal de distribution qui fonctionne très bien et qui permet d’avoir immédiatement des avis clients.
Toutes ces opérations mettent en lumière une problématique fondamentale, qui empêche Mr Greenzzly d’avancer dans son développement. La marque est perçue comme trop « haut de gamme » pour des clients à la recherche de petits prix, tandis que ceux qui ont un pouvoir d’achat plus important considèrent la marque comme n’étant pas assez « premium » donc probablement peu « qualitative ».
La communication de Mr Greenzzly incarnait parfaitement cette difficulté à déterminer un positionnement précis pour la marque : des messages plutôt décalés, « fun »
avec une touche d’humour, tandis que la qualité des boxers, ainsi que leur prix correspondaient plutôt à une clientèle qui ne regarde pas à la dépense pour s’acheter un produit à forte valeur ajoutée.
Deuxième leçon : déterminer précisément son positionnement quitte à faire des choix radicaux, permet de s’avoir très précisément qui l’on souhaite toucher. Parce que s’adresser à tout le monde, c’est convaincre personne.
Le travail de marketing est essentiel : il pose les fondations de votre future réussite.
La pépinière et la famille comme auxiliaire
Pendant toute cette aventure entrepreneuriale,
Sabine était accompagnée par la Pépinière d’Entreprises du Léman (l’Agence économique du chablais). Parce que les créateurs d’entreprises sont souvent seuls face à de multiples difficultés, la Pépinière apporte une lucidité souvent bienvenue lorsqu’il faut prendre des décisions difficiles.
D’un point de vue plus personnel, le soutient des proches, dans les bons moments comme dans les mauvais s’est avéré essentiel. Sabine s’est beaucoup appuyée sur sa famille pour repartir à la bataille, même lorsque la volonté n’était pas forcément là.
Troisième leçon : l’entourage (pro et perso) est primordial dans toute aventure entrepreneuriale.
Se faire accompagner par une structure spécialisée vous permet d’avancer plus vite et d’éviter la plupart des erreurs qui sont commises en début d’activité.
De même, trouver un binôme dont les compétences complètent parfaitement vos faiblesses rend votre projet beaucoup plus fort et limite fortement les échecs liés à l’incompétence ou à la surcharge de travail.
Sabine aurait beaucoup aimé avoir un profil « marketing/vente » ou une bonne agence de marketing à ses côtés dès le début, pour équilibrer son profil « créateur/artiste ».
L’importance du contact réel à l’heure du digital
Dès la fin du mois de mars, les ventes ont ralenti malgré les nombreuses initiatives de Mr Greenzzly.
Mais après ces nombreuses expérimentations,
Sabine a appris une chose essentielle à l’heure du web et des achats onlines. Le client a besoin du contact physique. La vente en ligne ne se suffit pas à elle-même, surtout pour un produit innovant que peu de personne possèdent.
L’entreprise doit donc développer son réseau de distribution physique, par l’intermédiaire de boutiques partenaires. Si dans un premier temps elle se débrouille pour le faire elle-même, elle va rapidement déléguer ce travail de prospection à des agents commerciaux qui vont sillonner la France pour elle.
Quatrième leçon : le web ne remplace pas la réalité, mais il permet de l’accélérer. Puisque la vente est un acte de confiance entre un vendeur et un acheteur,
il faut donner à ce dernier la possibilité d’expérimenter, de toucher, d’essayer, avant qu’il puisse par la suite vous faire confiance et donc commander rapidement par l’intermédiaire de votre site web.
Le temps comme facteur clé de succès
Sabine a donc tout fait pour donner à son entreprise la croissance qui lui permet de respirer. Toutes ces expérimentations sont nécessaires pour trouver la
« formule magique » de la réussite. Mais la création d’entreprise s’avère plus être un marathon qu’un sprint.
Le facteur temps est primordial, pour justement pouvoir expérimenter le plus longtemps possible, essayer de nouvelles choses et permettre aux stratégies de produire leurs effets.
C’est certainement ce qui a le plus manqué à Mr. Greenzzly : du temps.
Cinquième leçon : créer une entreprise et pouvoir en vivre, ça prend minimum 3 ans. Les succès du jour au lendemain n’existent que dans la presse et à la TV.
Dans la réalité, tout prend du temps : être pressé, c’est la garantie d’échouer.
L’après Mr.Greenzzly
Malgré quelques mois encourageants et des chiffres à la hausse, les mois d’août et septembre ont été fatals pour l’entreprise. Les résultats positifs ont été effacés par deux mois de calme plat.
Mr.Greenzzly s’est donc retrouvé à court de moyen financiers pour entreprendre de nouvelles actions, communiquer ou développer une nouvelle collection.
Les précédentes rentrées d’argent ont servi à payer les différentes charges et investissements, mais n’ont pas permis de constituer un matelas de sécurité en cas de coup dur.
C’est la raison pour laquelle l’entreprise est contrainte d’arrêter, malgré des avis extrêmement positifs de la part de sa clientèle et l’intérêt d’une enseigne de grands magasins.
Pour autant, Sabine ne souhaite pas vendre son concept et pense repartir à l’aventure dans quelques années. Forte d’une lucidité rétrospective qui lui permet de comprendre les causes de cet échec, ainsi que d’un soutien indéfectible de ses clients, totalement convaincus par ses boxers, Sabine sait que cet « au revoir » n’est en fait que provisoire…